Design thinking

Marie Serrano : c’est quoi le design thinking ?

Le design thinking ! Voici quelques temps que nous tournons autour de ce sujet avec David sans réellement comprendre de quoi il s’agit. De loin, on comprend que c’est un domaine riche qui utilise les mêmes approches que celles dont nous faisons la promotion dans ce blog. Mais de près, je dois bien avouer que ça reste un peu nébuleux. Et puis voilà, Marie Serrano, une fille pétillante et passionnée qui à l’occasion de la Fabrique du changement me parle avec enthousiasme de son domaine de prédilection : le design thinking.

Ce qu’elle nous a raconté sur ce sujet était si clair et si habité que nous lui avons demandé de l’écrire, qui sait peut-être que vous aussi vous vous demandez ce qu’est le design thinking ? Dans tous les cas, un grand merci à Marie pour cet article clair et passionnant !

 

Design thinking
Design thinking

 

Design Thinking, c’est ce gros mot que l’on entend par-ci par-là et qui fait son bonhomme de chemin dans les entreprises, c’est ce genre de notion pour laquelle on a beau dire « oui, oui j’en entendu parler » ; mais lorsqu’il s’agit de l’expliquer, les choses se compliquent.

Ce que je vous propose, c’est justement de l’éclaircir. Commençons par le « Design ». Qu’est ce que le design ? Question un peu piège c’est vrai, et que je n’ai pas manqué de poser à David et Sacha lors de notre rencontre, pour le plaisir d’entendre leur vision de la chose.

David, le premier à plonger dans le bain, a répondu sans honte qu’il en avait sans doute une vision un peu restreinte, mais que pour lui « Design » c’est synonyme de choses plutôt physiques, d’espaces que l’on rend plus agréables, plus ergonomiques, plus esthétiques.

Sans lui en vouloir, il faut reconnaître qu’aujourd’hui, lorsque l’on parle de design, on comprend dessiner des objets ou espaces icôniques pratiques, beaux, et facilement commercialisables… Mais qui, lorsque l’on s’y penche d’un peu plus près, ne présentent pas tant d’intérêt. Le Design d’aujourd’hui ça serait finalement de l’ordre de l’innovation incrémentale ou dans la plupart des cas de l’incitation à la consommation, mais rien de très révolutionnaire.

Et si l’on voyait le Design autrement ? Si l’on se concentrait moins sur le dessin pour voir le Design comme un dessein, une approche différente de questionnement d’innovation et de management? Le voilà notre Design Thinking ou « Pensée Design ».

Eh bien le Design Thinking, n’est en fait pas si jeune. S’il est aujourd’hui porté et démocratisé par Tim Brown, le PDG d’IDEO (agence de design non moins célèbre dans le milieu) ; il est né Outre-Atlantique à Stanford dans les années 80. Théorisé par Roger Martin (professeur de l’université de Toronto), il fait la juste balance entre des notions apriori opposées, pour créer de nouvelles solutions :

  • la désirabilité (ou le besoin de l’usager)
  • la faisabilité (ou le techniquement réalisable)
  • la viabilité (ou la validation économique)

En pratique, qu’est ce que cela veut dire ? Le Design Thinking repose sur trois grands piliers, le plus important étant l’humain avec un grand « H » : il s’agit avant tout de replacer l’homme au centre du processus de réflexion et de création. Par cela je n’entends pas simplement chercher à rendre un objet, service, etc. plus agréable à utiliser (ce qui s’apparente souvent à de l’ergonomie) ; mais s’attacher à comprendre la culture, le contexte, les motivations et aspirations des gens à qui l’on s’adresse pour mieux se recentrer sur ce dont l’humain a réellement besoin, sur l’usage.

L’une des clés du Design Thinking est alors d’utiliser le potentiel du collaboratif. L’usager n’est plus à la place de récepteur passif ou de « sujet étudié », mais il est co-créateur du projet dans un processus participatif qui implique la collaboration de tous les acteurs, et en particulier de plusieurs métiers (sociologie, marketing, ingénierie, recherche et j’en passe …).

Le deuxième grand crédo du Design Thinking c’est l’apprentissage par l’expérience ou le « hands on, minds on ». Pour citer Tim Brown, « construire pour penser, au lieu de penser à quoi construire ». Il faut bien garder en tête qu’il n’existe pas « une méthodologie Design Thinking » à apprendre et à appliquer, le principe est justement de s’intéresser et s’adapter aux spécificités de chaque projet.

Il faut donc construire une méthodologie au cas par cas en créant des outils dans un premier temps pour comprendre l’usager, contextualiser et saisir ce sur quoi l’on travaille pour de ne pas être piégé par de fausses bonnes idées auxquelles on aurait pensé (je vous encourage à aller voir le site www.servicedesigntools.org pour inspiration) ; puis d’en utiliser d’autres pour cette fois-ci accompagner la conception.

On peut retrouver d’ailleurs dans ces outils certains classiques : prototypage rapide (les fameux fablab en sont les rois), workshops participatifs, ateliers de créativités… qui favorisent le processus d’innovation en lançant en test sur le terrain les idées développées.

Et c’est là que notre dernier grand principe pointe le bout de son nez : l’itération. Le Design Thinking ce n’est pas du « one shot », ce n’est pas uniquement une histoire de bonnes idées ; mais c’est aussi une confrontation directe à la réalité, une faculté à mettre à jour les forces et faiblesses de l’idée par l’expérimentation. Ce qui sous-entend ne pas avoir peur de la remise en cause, et savoir rebondir sur un aller-retour constant avec l’usager et le client.

C’est donc en co-créant avec l’usager, en enlevant le processus des seules mains des designers, et en se concentrant sur les systèmes et non pas sur l’objet, que le design peut prétendre avoir un impact dans un vaste champ de problèmes complexes et répondre à de nouveaux défis sociétaux : le lien social, la santé, l’éducation, les organisations… ; à vous d’y trouver votre compte.

L’intérêt de cette approche c’est aussi que chacun peut prétendre à être « Design Thinker ». Chacun à sa propre échelle peut s’approprier le Design Thinking et ses outils pour tout ce qui l’entoure et qui mérite d’être repensé.

On se rend vite compte, et c’était finalement sans surprise la conclusion de notre rencontre avec Sacha et David, que facilitateur, improvisateurs, et de façon globale acteurs du changement et de la créativité ; nous partageons les mêmes aspirations : aborder la complexité et les nouveaux enjeux différemment, de façon intelligente et collective.

Je dirais simplement que le Design Thinking est une philosophie qui vaut le coup d’être démocratisée et d’être utilisée aussi bien dans la résolution d’enjeux complexes que dans celle de questionnements plus modestes; et que pour mon plus grand plaisir, c’est en bonne voie.