Comment animer un atelier de créativité selon Aimé Jacquet
Aimé Jacquet ? Il dit qu’il ne voit pas le rapport !
En lisant le titre de l’article, vous vous êtes certainement dit… tiens, les deux p’tits gars de LIFE IS A SERIOUS GAME sont tombés, par le plus grand des hasards, sur le célèbre documentaire de Stéphane Meunier « les yeux dans les bleus », et ça les a inspirés ! Tout juste, vous avez raison !!! Et pourtant, dieu sait que nous et le foot, ça fait deux !
Même si je suis loin de m’habiller avec le dernier du maillot du PSG pour regarder le match de mon équipe préférée, le tout devant une pizza quatre fromages et une bonne chope de bière et même si je respecte profondément le supporter de foot, l’analogie avec le sport au ballon rond est vraiment parfaite pour vulgariser tout ce que nous souhaitons vous raconter. Vous allez vite vous rendre compte que notre référence à Aimé jacquet, ou plus largement à celle du football, va nous permettre de vous expliquer toutes les étapes clés pour animer un atelier de créativité.
Mettons-nous dans l’ambiance !
Nous sommes à la veille du premier match de l’équipe de France, lors de la coupe du monde 1998, vous êtes Aimé Jacquet, votre seul objectif : sortir victorieux de ce premier match déjà décisif…Vous y êtes ?
En tant que sélectionneur de l’équipe de France, avant d’aborder cette rencontre, vous devez vous poser les bonnes questions pour choisir les tactiques gagnantes. Pendant le match, vous devrez faire jouer votre collectif pour qu’il soit créatif et faciliter les échanges pour emmener votre équipe vers le but final : la victoire tant espérée. Après le match, vous devrez en tirer tous les enseignements et mettre en œuvre les axes d’amélioration que vous avez identifiés.
Un atelier de créativité, c’est comme ce match de foot, il y a un but à atteindre, celui de répondre à une problématique posée, il y a un Aimé Jacquet, c’est l’animateur-facilitateur, il y a une équipe, ce sont les participants.
Vous y êtes toujours ? Oui ? alors continuons à développer notre analogie !
Un sponsor qui mouille son maillot !
Même si nous ne doutons pas un seul instant de l’esthétisme et du rendu d’un beau maillot de foot floqué du logo de notre sponsor adorée « HEINEKEN », ici, l’idée n’est pas de faire porter aux participants un tel habit. Non, notre objectif est plutôt de vous démontrer l’importance d’avoir un sponsorintuitu personae lorsque vous organisez une démarche d’atelier.
Dans le monde du football, plus on joue à haut niveau et plus le sponsor doit être puissant et apporter ses moyens financiers et promotionnels à l’équipe. Pour une démarche d’atelier, vous devez adopter la même logique : plus votre atelier est à fort enjeu, plus il sera nécessaire d’avoir un sponsor clairement identifié et ayant suffisamment de poids pour assurer la continuité des idées/solutions/actions produites lors de votre atelier de créativité.
Ne négligez pas cette étape ! Nous en sommes convaincus : trouver le bon sponsor est un facteur clé de réussite de votre démarche d’atelier.
Tant sur le plan technique, que tactique… Animer un atelier de créativité, ça se prépare !
1 – Comme dans toute compétition, vous devez connaître parfaitement votre adversaire
Dans notre analogie, notre adversaire, c’est la problématique de l’atelier : il est absolument nécessaire de la définir en termes limpides et qu’elle soit partagée avec votre sponsor ! Une problématique bien posée, c’est vous assurer de remporter les 3 points de la victoire en vous orientant sur la bonne tactique à adopter.
Comme le proposent les auteurs de la brainstorming box, nous vous conseillons de présenter votre problématique en séparant de manière distincte :
l’objectif de la recherche créative
les critères de succès, c’est à dire les critères que doivent remplir les solutions au problème qui seront générées lors de votre atelier
Il est ainsi préférable d’exprimer un objectif sous la forme d’une phrase courte commençant par un verbe d’action, contenant un seul objectif. Par exemple : rendre ma réunion de service plus dynamique.
Pour cette problématique, les critères pourraient être :
la réunion doit apporter de la valeur aux participants
elle peut être assurée en utilisant différents formats d’animation, tout en n’excédant pas 1h
Sachez que votre problématique sera bien formulée si :
elle est motivante : quel collaborateur peut s’opposer au fait de réfléchir à une réunion de service plus dynamique
elle s’inscrit dans un cadre : on parle de la réunion de service et non de toutes les réunions de la société
elle est simple : le sujet peut être compris facilement par une personne extérieure
2 – Jouez pleinement votre rôle de sélectionneur, composez la meilleure équipe
Et oui rappelez-vous, vous êtes Aimé Jacquet. Vous êtes le sélectionneur et une de vos missions est notamment de choisir les participants qui formeront une équipe cohérente et créative. A ce propos, relisez notre article : le potentiel au service du collectif.
N’hésitez pas à vous inspirer de la logique de co-création hyper présente dans le design thinking et qui favorise l’intelligence collective.
Pour cela :
à l’image d’une équipe de foot formée d’attaquants, de défenseurs, de milieux terrains, de tacticiens, de joueurs altruistes, d’individualités créatives (Zidane !)…etc. : formez votre équipe avec des personnes ayant des compétences différentes, optez pour un mélange volontariste des personnalités et des métiers
comme dans toute équipe, pensez à une personne qui pourra jouer le rôle de capitaine, il sera le moteur créatif de votre équipe
Il y a toujours un joueur sélectionné pour la 1ère fois dans l’équipe de France… N’hésitez pas à faire participer un candide (personne extérieure : client, fournisseur, consommateur etc…) pour apporter un autre point de vue sur votre problématique
3 – Choisissez la bonne pelouse, le bon terrain de jeu
Un conseil, ne sous estimez pas l’importance du terrain de jeu. Même si je ne suis pas un expert en foot, je suis assez à l’aise pour dire que l’équipe de France ne pourrait pas s’exprimer aussi bien sur un terrain parsemé de trous de taupe que sur un vrai « billard vert».
Un atelier au vert sera toujours mieux pour la créativité que votre traditionnelle salle de réunion dans vos locaux connus de tous.
Et si le budget vous manque, aménagez votre salle de façon à ce qu’elle soit propice à la créativité :
enlevez les chaises et les tables, ou mettez des tables hautes (style bar)
évitez les dispositions trop conventionnelles (en U) ou trop scolaires façon classe de primaire
invitez les participants au « lâcher prise » en disposant des objets ludiques tels que des ballons à gonfler, de la pâte à modeler, des balles de tennis, des balles anti-stress…etc
Enfin, si vous le sentez pour votre prochain atelier, vous pouvez inviter les participants à décorer eux même la salle en leur mettant à disposition un peu de matériel et en leur donnant 10 minutes. Ceci vous fera un excellent icebreaker pour l’échauffement créatif !
4 – Rappelez-vous, Aimé Jacquet n’était pas seul dans cette aventure collective !
Et oui, en plus du sélectionneur et de l’équipe nationale, il y avait tout un « staff » : des personnes expertes dans leur domaine (entraineur dédié aux gardiens, préparateur physique, kiné, etc..) sur lesquelles s’est largement appuyé notre Aimé national !
C’est pareil pour vous et votre atelier, pensez à vous entourer d’un expert lorsque la problématique est pointue. Vous pourrez alors proposer à ce sachant de co-animer l’atelier avec vous.
5 – 90 min ou plus ? Fixez la bonne durée pour votre atelier !
Si la durée d’un match de foot est de 90 min, dans le cadre d’un atelier de créativité, vous avez la liberté de définir son timing. Cependant, un atelier trop court peut être un frein dans la mise en condition créative de votre équipe et peut générer de la frustration si les participants n’ont pas eu le temps de développer toutes leurs idées. A l’inverse, un atelier trop long sera source d’ennui, de discussion, et de digression sans fin et finalement sans valeur ajoutée.
N’oubliez pas, non plus, la mi-temps dans votre atelier, cela peut être une pause-café ou une respiration donnée par un jeu récréatif, par exemple. Ayez toujours à l’esprit que maintenir une tension créative sur une durée de 2h est extrêmement difficile voire inhumain, il faut donc s’autoriser à faire des pauses « non créatives » !
6 – Adoptez la bonne tactique !
Aimé Jacquet est formel sur ce point ! Avoir la bonne tactique, c’est la clé de la victoire et pour nous, la bonne tactique sera déterminée par l’enchainement de techniques de créativité adaptée à la problématique adressée.
Je n’en dis pas plus, à ce stade, nous y reviendrons en détails dans la partie suivante.
Le jour du match, faites jouer votre collectif !
1 – Avant le coup d’envoi, rappelez l’objectif, échauffez votre équipe et présentez l’arbitre
Comme Aimé avant le coup d’envoi du match, vous devez briefer votre équipe sur l’objectif et les différentes phases de jeu. Ainsi, dès que tous les participants sont arrivés dans la salle, énoncez de façon rapide l’objectif, présentez la problématique et les différentes séquences de votre atelier.
L’explication de la problématique doit être claire, et parlante, ne vous gênez pas pour la présenter sous forme d’image, en utilisant, par exemple, la technique du pecha kucha que nous aurons certainement l’occasion de détailler dans un de nos prochains articles. Vous pouvez également utiliser le storytelling, et présenter la problématique en racontant une histoire.
Dans tous les sports, l’échauffement est un passage obligatoire avant de se lancer à corps perdu dans la compétition. En créativité, c’est pareil ! Echauffez votre équipe, sinon attention au « claquage créatif » (dixit la brainstorming box). Avant de partir sur la recherche créative, une pratique de type brise la glace (icebreaker) permettra à tous les participants de se présenter de façon ludique tout en les plongeant dans un bain créatif. Ne négligez jamais cette étape, cette entrée en matière de 10 à 15 min est un investissement de temps que vous récupérez largement par la suite.
Dans le foot, il y a des règles et un arbitre, l’homme en noir. Dans notre contexte, nous en avons également, mais plutôt que de parler de règles, nous parlerons de principes. Avant le coup d’envoi, rappelez-les, cela vous assurera d’un atelier constructif dans un climat bienveillant.
Voici les principes que vous pouvez évoquer, notez-les sur un paperboard qui sera visible pendant toute la durée de l’atelier :
Ne vous censurez pas, toutes les idées sont bonnes à prendre
Visez la quantité d’idées exprimées
Lâchez vous, soyez créatifs
Soyez constructifs, et rebondissez sur les idées des autres
Soyez bienveillants !
2 – Le coup d’envoi est donné, mettez en place votre tactique !
Votre équipe est briefée sur la problématique adressée, chaude comme la braise après l’icebreaker (échauffement créatif) auquel auront joué les participants, vous pouvez alors lancer votre équipe sur la recherche créative d’idées.
Rappelez vous de la première partie, le fait d’avoir pris le temps de bien poser la problématique vous a permis de déterminer votre meilleure tactique : une séquence de techniques d’animation appropriées au contexte. Tout comme Aimé jacquet pendant son match, vous allez donc mettre en place votre tactique et éventuellement l’adapter. Et comme tout bon entraineur qui se respecte, vous aurez basé votre tactique sur des fondamentaux en y apportant votre touche personnelle.
En atelier de créativité, les fondamentaux que tout animateur doit connaitre sont les suivants :
commencer par faire une purge d’idées
ensuite, aller un cran plus loin dans la recherche d’idées
puis catégoriser et prioriser tout ce qui a été généré
enfin si vous avez le temps, détailler les idées priorisées
Détaillons ces 4 points :
Faire une purge : c’est filtrer les fausses bonnes idées, celles qui viennent en premier à l’esprit des participants, celles qui ont déjà été pondues par d’autres lors d’ateliers précédents, ou des idées déjà en place mais que les participants ignoraient. Ici, la technique proposée sera souvent un brainstorming réalisé individuellement sur post it puis partagé en groupe dans un second temps. Cette purge pourra aussi être faite grâce à un mind mapping (cf nos 2 articles sur ce sujet : Les 5 bonnes raisons d’utiliser le mind mapping et le meilleur du mind mapping)
Aller un cran plus loin dans la recherche d’idées : à ce stade, le but est de produire les « vraies » idées innovantes. En tant qu’animateur facilitateur, c’est ici que vous amènerez votre touche personnelle en proposant une technique de créativité adaptée permettant à votre groupe de sortir de leur cadre habituel de pensée, c’est ce qu’on appelle la phase de divergence. Pour cela, il existe d’innombrables techniques de créativité utilisant différents leviers provoquant cette divergence : les analogies, les métaphores, les provocations, les inversions, les associations, les techniques combinatoires etc…. Nous aurons largement l’occasion d’y revenir dans nos prochains articles traités par LIFE IS A SERIOUS GAME.
Catégoriser et prioriser les idées : si tout se passe bien, énormément d’idées vont émergées lors des points 1 et 2. Il faut donc les catégoriser par affinités et les prioriser pour en creuser 2 voire 3 afin qu’elles deviennent des solutions concrètes. Pour la priorisation, il y a là aussi de nombreuses techniques : le dot voting, le poker game, le ROTI etc…Là aussi, nous vous réservons une prochaine série de vidéos où nous nous mettrons en scène pour vous les expliquer. Patience donc !
Si vous avez le temps, vous pourrez enfin creuser, sous forme de fiches idée solution, les 2 ou 3 idées que le groupe aura priorisé.
En attendant nos prochains articles sur toutes les techniques, je vous invite vivement à acheter ces 2 livres incontournables pour mener vos prochains ateliers de créativité :
3 – Pendant la partie, n’oubliez pas de jouer à fond votre rôle d’entraineur !
Favoriser le jeu collectif: Rappelez-vous, vous êtes Aimé Jacquet, c’est donc vous l’entraineur, l’animateur du jeu et le facilitateur. Relancez votre équipe, animez-la en distribuant la parole, en invitant les participants à se renvoyer la balle de la parole. Votre rôle est déterminant dans l’animation du jeu créatif et pour que la tactique que vous avez mise en place soit gagnante !
Respecter le temps réglementaire : rappelez à votre équipe où elle en est dans la partie, time boxez vos différentes séquences (la purge , la recherche d’idées nouvelles, la priorisation), enfin, faites un point régulier sur l’agenda.
Eviter les blessures : faites attention au tacle trop sévère entre participants et sachez maitriser l’art du recadrage non violent en relisant notre article sur ce sujet.
4 – Le coup de sifflet final : et 1 et 2 et 3, zéro !
Voilà la partie est terminée, concluez simplement votre atelier en résumant à chaud tout ce qui a été produit lors des différentes phases de jeux. Il est également important de recueillir le feedback de votre équipe, pour cela, vous pouvez faire un ROTI qui vous permettra de savoir si votre atelier a plu ou non aux participants.
Et comme après un bon match de foot, tout le monde sort exténué et fatigué de ce type d’atelier, cerveau gauche et cerveau droite ont été mis à rude contribution. Par ailleurs, l’état d’excitation de votre équipe et de vous même sera un bon indicateur pour savoir si votre atelier a le goût de la victoire ou non ! Mais faites-moi confiance, si vous vous mettez dans la peau d’Aimé, que vous sélectionnez la meilleure équipe, et que vous mettez en place THE tactique comme nous l’avons expliquée précédemment, votre atelier sera une victoire !
On refait le match ! le débrief d’après match
Un conseil ! N’attendez pas avant de faire le compte rendu de votre atelier et aussitôt rédigé, envoyez-le à vos participants. Ca parait une évidence, mais c’est une étape où la procrastination est très prégnante !!!
Par ailleurs, si vous attendez trop longtemps, vous risquez de perdre certaines informations que vous avez encore en tête si vous le faite dans la foulée, ce serait dommage non ? Même si c’est un travail peu réjouissant, il est pourtant indispensable pour synthétiser la masse d’idées produites et mettre en place un plan d’actions concret. Pour faire la synthèse des idées, n’hésitez pas à faire un joli mind mapping, c’est souvent très efficace. Le temps à prévoir pour faire un compte rendu d’atelier est d’environ un pour un : pour 3h d’atelier, comptez 3h de compte rendu.
Un grand merci à notre coach Aimé Jacquet, qui nous a permis de vous expliquer comment animer un atelier de créativité !
Une dernière chose, on s’inquiète toujours de savoir si les personnes invitées à un atelier de créativité vont produire suffisamment d’idées. Cependant, aucune inquiétude à avoir ! on s’étonne toujours de la quantité d’ idées qu’un groupe peut produire en l’espace de 2h : ne sous estimez jamais l’intelligence collective !Par David Lemesle