Vous le savez, nous croyons dans le potentiel du collectif, nous pensons qu’ensemble nous sommes plus créatifs et meilleurs. Ok, ceci étant dit ne soyons pas angéliques, un groupe ce n’est pas un vaccin contre l’échec. Il est possible d’être très mauvais ensemble, et parfois c’est pire que d’être seul. Finalement, comme tout ce qui est puissant, un groupe ça peut être dangereux, il faut savoir le conduire au risque d’aller droit dans le mur.
Voici donc quelques effets pervers que l’on peut retrouver lorsque l’on mène des travaux de groupe ou des ateliers. Mieux vaut les connaitre pour mieux les éviter.
C’est l’exemple extrême du phénomène de groupthinking…Mais c’est quoi le groupthinking me direz-vous ?
Nous avions évoqué ce phénomène lorsque nous vous avions parlé du livre « L’intelligence créative au delà du brainstorming« .
C’est ce phénomène qui amène les membres d’un groupe à rechercher à tout prix un consensus au détriment de la qualité de la décision. Pour ne pas aller à l’encontre de ce que l’on croit être l’opinion du groupe, chaque membre va prendre une position qui peut être contraire à ses convictions. C’est ce qu’on retrouve notamment dans les consensus mous. Le paroxysme de cette déviance est illustré par l’histoire du paradoxe d’Abilene. L’histoire est assez simple et elle parle à tout le monde (en tout cas, moi, ça me rappelle des choses).
Nous sommes aux Etats-Unis dans une petite ville du Texas, sous une chaleur écrasante. Un couple accompagné des parents de la femme sirote une citronnade quand le beau-père propose de se rendre à Abilene, une ville située à 90 km de là. Le beau-père propose cette expédition pensant faire plaisir à son gendre, ce dernier accepte pensant faire plaisir à sa femme qui ne voit pas souvent ses parents, les femmes pensent faire plaisir à leur mari… Bref ils se tapent 1h de pickup non climatisé pour déjeuner un hamburger trop cuit (bon c’est une histoire américaine mais si on transpose avec une 4L et une bavette ça marche aussi), tout ça pour ne faire plaisir à personne à la finale. Vous avez compris l’idée ? Le groupe nous pousse parfois à prendre des décisions qu’aucun des membres n’auraient pris individuellement.
L’idée est ici de placer un groupe en position de jugement d’un phénomène inexistant ! Dans l’obscurité, on place une source lumineuse immobile. Vous l’avez certainement remarqué, lorsque l’on fixe une source de lumière dans le noir, on la voit bouger de façon erratique, c’est normal, ça fait ça à tout le monde. Mais lorsque l’on réalise l’expérience en groupe, une norme se créée sur la distance et la direction du mouvement alors même que chacun voit quelque chose de différent. L’expérience montre même que si un individu seul a une opinion avant d’être intégré au groupe, elle ne résiste pas à la force du groupe. De même si un des membres du groupe est laissé seul après coup, l’avis du groupe prévaut encore.
Ca fait froid dans le dos, non ?
On montre à un groupe de 9 personnes un tableau avec 3 lignes verticales dont celle du milieu est un peu plus longue. Les 8 premiers participants (des complices de l’expérience) affirment qu’il n’y a pas de différence. Le dernier participant, recruté par petite annonce se conforme à l’avis du groupe dans 37% des cas, alors même qu’il est évident que c’est faux. On retrouve ici aussi un des biais du travail en groupe, ce besoin irrépressible de se conformer à l’avis général et de ne pas se faire remarquer.
Hola, tout doux, ce n’est pas l’objectif de cet article. L’idée serait plutôt de se demander : comment éviter ces pièges ? Voici donc quelques pistes pour se prémunir de ce genre de désagréments.
Pour éviter le groupthinking et le consensus mou, si vous passiez au consentement ? L’idée est simple, plutôt que de chercher à ce que tout le monde soit d’accord, chercher plutôt à ce que personne ne s’oppose. Nous avions évoqué ce mode de décision dans l’article « Le secret des équipes performantes : Software for your head« , c’est que nous avions appelé le « Decider protocol ». On retrouve là un des 3 principes de la sociocratie à savoir la prise de décision par consentement.
Vous le savez, nous sommes des grands fans des post-it car ils ont des supers pouvoirs (pour plus de détails jetez un coup d’oeil à notre article sur les supers pouvoir des post-it). Pour réguler la parole et s’assurer que chacun s’exprime librement, faites écrire les idées de chaque participant sur des post-it puis proposez leur de les partager avec l’ensemble du groupe en les collant sur un brownpaper. Le fait que chaque participant écrive au préalable ses idées sur des post-it vous assure que l’influence du groupe ne censurera pas l’expression de chacun (une fois que l’on a écrit ses post-it, difficile des les modifier ou de les jeter pendant la séance).
Le poker game, c’est une pratique utilisée par les agilistes pour estimer la charge de morceaux de projets informatiques. Pour ce faire, on utilise un jeu de cartes (une suite de Fibonacci : 0, 1, 2, 3, 5, 8…). On peut également utiliser cette pratique pour prioriser n’importe quel élément (des idées, des problèmes…). Pour chaque élément à prioriser, chaque joueur va abattre une carte face cachée. On les retourne alors tous ensemble simultanément. Les participants ayant donné l’évaluation la plus forte et la plus faible s’expriment pour justifier leur choix, puis on rejoue jusqu’à ce que les évaluations converges. En abattant les cartes face cachée, on s’assure ici aussi que le groupe n’influence pas les décisions individuelles et on profite de la dynamique du groupe tout en contraignant les participants à assumer leur opinion.
Vous l’aurez compris, si vous souhaitez vraiment connaitre l’avis des participants à titre individuel, favorisez l’anonymat à travers un jeu de la perfection par exemple, c’est à dire une fiche d’évaluation centrée sur le positif et les axes d’amélioration. De même, évitez les tours de table si vous voulez que chacun s’exprime le plus librement possible car la pression du groupe pousse souvent les participants à s’aligner sur le discours des 3/4 premiers participants.
Pour créer un climat bienveillant dans lequel chacun se sentira libre d’exprimer ce qu’il pense réellement, vous pouvez aussi partager les règles du jeu en début de réunion. Imprimer les règles et affichez les dans la salle. Avant de commencer, vous les rappelez à l’ensemble du groupe. Durant la réunion, vous pouvez y faire référence si vous sentez que ça dérape. Et puisqu’on est sympa chez LIFE IS A SERIOUS GAME, vous pouvez directement les télécharger ici.
Quelques références où l’on peut retrouver les phénomènes évoqués :
Coaching d’équipe: Outils et pratiques de Michel Giffard et Michel Moral
L’intelligence créative au delà du brainstorming Jean-Louis Swiners et Jean-Michel Briet