Les espaces de travail au service de la performance et de la créativité
Aujourd’hui, c’est déménagement…!
A mon retour de vacances j’ai appris que nous allions tous changer de bureaux, ça n’a l’air de rien, mais pour tout bon collaborateur passant presque 8h dans un bureau, c’est un événement qui mérite que l’on s’y attarde un peu.
J’avais déjà en tête d’écrire un article sur les espaces de travail en entreprise et je dois bien avouer que ce déménagement n’a fait que me conforter sur l’intérêt d’écrire sur ce sujet.
Le fameux jour du déménagement, j’étais là au milieu de mes collègues : Robert, Maurice, Gilberte et les autres. Dès 9h nous étions prêt à en découdre avec les chariots pour très vite prendre possession de nos nouveaux quartiers et recréer notre nouvel espace de travail « customisé ». La concrétisation de ce déménagement est le résultat d’un long processus de réflexion et de concertation sur le choix de nos bureaux respectifs. D’abord imaginée par le responsable de service, cette réorganisation collective a longuement été partagée et discutée, faisant l’objet de fines négociations entre nous, notamment avec Robert le collègue « chiant » qui a pris le temps de se poser toutes les questions d’usages avant de choisir le (son) « bon » bureau :
Choisir la place stratégique, celle où l’écran n’est pas visible de tous
Eviter la porte dans le dos
Eviter d’être sous la climatisation,
Ne pas avoir le soleil dans les yeux le matin
Ne pas être dans le plus grand bureau au risque de se retrouver dans un ersatz d’open space
avoir la bonne chaise, une armoire, un caisson…j’en passe et des meilleurs
Tout ceci peut paraître ridicule et bien futile mais il est bien évident que tout ce qui entoure « LE BUREAU » : la qualité de son emplacement, sa superficie, le nombre de fenêtres (eh oui !!!), être seul dans le bureau, à 2, à 4 ou plus sont autant de marqueurs qui permettent d’en savoir bien plus que l’on croit sur un collaborateur :
positionnement hiérarchique
personne sociable ou pas
collaborateur interne ou prestataire de passage, etc…
Revenons un instant sur le temps passé par Robert à se triturer l’esprit sur le choix de son bureau. Pensez-vous que c’est une perte de temps ? pour ma part je ne le pense pas : imaginez passer plus de 8h par jour dans un endroit où vous risquez de ne pas vous sentir à votre aise est tout de même difficile à concevoir, et nuit évitablement à la performance du collaborateur.
Dès lors que cet emplacement de bureau est choisi, tous sans exception Robert y compris 😮 et sous différentes formes s’adapte à son nouvel espace de travail. Naturellement, chacun cherche à assouvir ses besoins primaires (souvenez-vous de la pyramide de Maslow) en recréant sa zone de confort.
De l’aspect purement fonctionnel, comme l’ergonomie du poste de travail à la décoration, toute la personnalisation de notre espace de travail contribue au fait de se sentir chez soi, et directement influer sur :
notre bien-être
notre concentration
et en définitive sur notre productivité.
On se rend alors vite compte en prenant un peu de recul sur tout cela que l’adaptation au travail ne se réduit pas à la simple assimilation d’une fonction, mais elle comporte aussi une insertion spatiale dans un milieu concret qui est bien plus importante que ce que l’on pourrait croire.
J’en arrive rapidement à la conclusion, que selon moi l’aménagement des espaces de travail individuel mais aussi collectif et nous le verrons par la suite, est très important et agit directement sur la performance des collaborateurs . Malheureusement, j’ai aussi tendance à croire que l’aménagement de ces espaces est bien trop souvent négligé par les directions et en particulier par la DRH, comme le montre ce rapport complet de 2009 : L’aménagement des espaces de travail, entre théories et pratiques, quels sont les véritables enjeux pour la DRH ?
Quelques mots sur le télétravail…
Parlons un instant du télétravail, qui en matière d’adaptabilité du collaborateur dans son espace de travail semble être la solution « toute trouvée ». En effet, il est logique de penser que le collaborateur ayant opté pour ce mode s’adaptera quasi instantanément à son environnement de travail qui est aussi l’endroit où il vit. Ce nouveau mode de travail est certainement un point majeur dans la réflexion des espaces de travail de demain, les designers l’ont d’ailleurs bien compris puisqu’ils rivalisent de créativité pour créer des espaces de travail innovants répondant au besoin de bien être des futurs télétravailleurs : quelqu’un qui se sent bien sur son lieu de travail, est quelqu’un de performant !
En 2012, une étude commandée par le ministère de l’industrie montre que le télétravail permet d’obtenir un gain de 22% de productivité grâce à une réduction de l’absentéisme, à une meilleure efficacité et des gains de temps substantiels notamment dans les transports. Malgré cela et même si le télétravail est encouragé dans certaines entreprises, cette même étude montre que seulement 12,4% des salariés français télétravaillent au moins huit heures par mois.
Le télétravail est donc encore bien loin d’être la norme, et à part l’arrivée souvent malheureuse et bien mal utilisée des « open space », nombreux sont les salariés évoluant dans des espaces de travail traditionnels qui n’ont quasiment pas évolué depuis des années. On retrouve ainsi systématiquement 2 types de lieux : les bureaux et les salles de réunions. A l’heure où certaines sociétés cherchent un second souffle en recentrant leurs efforts sur le facteur humain profitant de l’élan donné par l’essor des outils collaboratifs tels que les RSE (réseaux sociaux d’entreprise), il me semble indispensable de réfléchir sérieusement aux espaces de travail afin qu’ils répondent aux nouveaux besoins du travail collaboratif, aux enjeux de l’innovation et de la créativité.
A travers quatre exemples qui m’ont semblé marquants, je souhaite vous illustrer comment certaines entreprises utilisent les espaces de travail pour promouvoir l’intelligence collective, favoriser l’innovation, déployer leur modèle de management ou transformer leur culture d’entreprise.
1 – SANOFI, les espaces aux services de la culture d’entreprise
Un an après l’installation de SANOFI dans son siège mondial parisien, 70% des collaborateurs se déclarent très satisfaits de leur lieu de travail, une réussite pour les dirigeants du groupe qui ont inscrit ce projet innovant et ambitieux au coeur du plan de transformation de leur culture d’entreprise. Aujourd’hui, sur les 800 postes de travail installés sur le site, SANOFI ne compte que 16 bureaux fermés. Le reste, soit 98% est organisé en espace ouvert, ce qui est exactement l’inverse de leur aménagement précédent puisque 98% des espaces étaient cloisonnés auparavant !
Un objectif : favoriser la collaboration
SANOFI avait pour objectif de favoriser la collaboration, source d’innovation, de créativité et de performance, la société a réussi à créer un cadre de travail devenu le reflet de sa nouvelle culture d’entreprise. Porté par la DRH et la direction de l’immobilier, ce projet a donné lieu à une refonte globale des espaces de travail, l’immobilier devenant ainsi un outil au service des enjeux RH.
Dès la conception du projet, les espaces de bureaux ont été pensés pour s’adapter aux besoins des collaborateurs et plus particulièrement des jeunes générations, à leur façon de vivre dans l’entreprise. Des espaces intergénérationnels mais aussi trans-fonctionnels avec l’implantation d’opérationnels au sein des équipes fonctionnelles ont été imaginés en même temps que des espaces vecteurs de bien-être, au sein desquels les collaborateurs peuvent bâtir des projets, échanger et tisser des relations de confiance (transmission de la mémoire, du savoir-faire, coaching,…).
Aujourd’hui, le site est devenu un lieu de travail ouvert à tous où les espaces individuels ont été réduits à l’extrême, au profit de l’espace commun : plus de 1000 sièges de réunion pour 800 postes de travail. Ainsi le nouveau siège offre une multitude de lieux de vie, de rencontre et de travail en équipe, pour mieux porter la coopération… et la convivialité : Atrium, Community Centers jouant le rôle de véritables « places de village » au cœur de chaque étage, Lounge, Cafétéria.
De nouveaux réflexes à instaurer !
Une telle révolution des espaces de travail impose d’instaurer de nouveaux réflexes. Apprendre le travail en espace ouvert s’avère plus ou moins facile selon les générations, mieux accepté par les jeunes générations, les seniors sont quant à eux plus partagés : certains ont le sentiment d’avoir gagné en termes d’image du lieu mais perdu quand au prestige de leur bureau personnel, au confort oral, à la confidentialité.
Tous les lieux pensés par SANOFI sont inégalement utilisés, la bibliothèque bien qu’ouverte toute la journée reste peu utilisée, en revanche le lounge où le café est gratuit rencontre un franc succès. L’enjeu est donc d’apprendre aux collaborateurs, notamment les plus anciens, à considérer ces nouveaux espaces comme une alternative aux salles de réunions traditionnelles, leu permettant de travailler différemment.
2 – CAPGEMINI, les ASE : des salles de réunions pas comme les autres !
S’appuyant sur la théorie selon laquelle un groupe d’individus est beaucoup plus créatif qu’un individu isolé, Capgemini a développé un concept innovant : l’ASE, ou Accelerated Solutions Environment. Destiné à ses clients, le concept permet d’aborder différemment les problématiques des entreprises.
Il existe aujourd’hui 20 centres ASE répartis sur 4 continents. Tous sont conçus de la même façon, et tous sont des lieux insolites au service de la créativité !
un ASE c’est quoi ?
Un ASE est un espace flexible aéré d’environ 300 m² où se côtoie du matériel technologique sophistiqué, des LEGO, de la pâte à modeler, des jeux de construction, des balles ou des peluches. Cet endroit surréaliste, étonnant et ludique est en fait un lieu de création d’idées et d’émergence rapide de solutions.
Le principe est simple : s’appuyer sur un espace adapté pour faire jaillir des idées dans un climat collaboratif.
A l’intérieur de cet espace dédié aux techniques collaboratives, sont utilisés des leviers de facilitation comme le graphisme, la vidéo, la photographie, la musique.
Sur le mode très en vogue du design thinking, Capgemini n’hésite pas à faire appel à des compétences atypiques, mais adaptées à ces séances et aux besoins des entreprises (Architectes d’intérieur, sociologues, comédiens, photographes, graphistes, anthropologues ou sémiologues ) : l’objectif étant de faire émerger des idées et des solutions en créant une véritable dynamique de groupe.
La finalité pour les entreprises est de faire naître ici des solutions à leurs problématiques : franchissement d’une étape significative, évolution de la structure de l’entreprise, etc. Générali, Airbus, HSBC ou Bacardi témoignent de leur enthousiasme pour la méthode et sa grande efficacité.
Cet exemple montre à quel point beaucoup d’entreprises y gagneraient en capacité d’innovation si elles mettaient à disposition ce type de salles de créativité. Une première initiative pourrait être tout simplement de mettre en place des salles de réunions sans chaises ni tables, avec du brownpaper des crayons et des post it.
Pourquoi rester attaché à un lieu fixe lorsque l’on dispose d’outils mobiles ?
Chez ACCENTURE, managers et consultants tous sont logés à la même enseigne, personne n’a de bureaux attitrés, et seuls les deux principaux dirigeants en bénéficient d’un.
Parti du constat que beaucoup de cadres voient leur conditions de travail évolué vers plus de nomadisme grâce aux outils de mobilité, ACCENTURE a parié sur ce nouveau mode de travail, autre alternative au schéma traditionnel et au télétravail.
En France, peu de sociétés sont allées aussi loin qu’Accenture en imposant le bureau partagé (desk-sharing). La SSII fait figure de pionnière. Il faut dire que ce modèle, peu apprécié des employés, est ici plus facile à mettre en œuvre car les équipes concernées sont des consultants œuvrant le plus souvent chez le client et ne rentrant au bercail que pour des rendez-vous avec leurs collaborateurs ou entre deux missions. S’ils doivent se réunir, ils disposent d’une quinzaine d’espaces collaboratifs, chacun dévolu à un usage précis. La philosophie du lieu : faire en sorte que le consultant consacre son passage au siège à des réunions ou des échanges informels. En parallèle, le télé-travail a été introduit pour les fonctions support, plus sédentaires (300 salariés à ce jour sur 500 personnes concernées). Chacun y trouve son compte.
D’autres sociétés comme SWISSLIFE ont également tenté l’expérience. Le “ sans-bureau fixe ” n’est déployé pour l’instant que dans les départements informatique, communication, marketing, distribution et à la direction générale. Soit un tiers des 1 000 employés du siège. Pas de réservation ni de bureau attitré : chaque collaborateur s’installe où bon lui semble en arrivant. Ce qui ne veut pas dire n’importe où, mais dans une zone identifiée correspondant à son département. En complément, il dispose de diverses salles de réunion, de bulles d’isolement et d’espace conviviaux. Cette orientation est justifiée au sein de Swiss-Life par une recrudescence du travail en mode projet dans les populations concernées.
Le desk sharing a encore du mal à s’imposer en France où le mode de management imprégné par le présentéisme et l’attachement à un bureau personnalisé représentent d’importants points de blocage. Certains experts sont néanmoins persuadés que ces lieux de travail externe ont vocation à se développer : les grandes sociétés seront confrontées à la flambée des loyers et contraintes de développer le modèle de bureau partagé afin de réduire l’espace.
4 – UBISOFT, le google français en matière de gestion des espaces de travail
De plus en plus, UBISOFT prend conscience du rôle de l’environnement de travail dans l’image de dynamisme qu’elle projette auprès de ses collaborateurs, comme auprès de candidats potentiels. Aux côtés du salaire et des aspects RH, le cadre de travail contribue à faire de la société une entreprise de référence, au sein de laquelle les jeunes talents ont envie de travailler et d’évoluer.
Les bureaux de UBISOFT reflètent sa culture managériale horizontale. Le management chez Ubisoft est fondé sur la collaboration : « chacun apporte sa pierre à l’édifice ». Dans cette logique, beaucoup de collaborateurs travaillent en open space, les managers étant situés aux côtés de leurs équipes, pour un meilleur partage de l’information, et plus de proximité. Les bureaux cloisonnés ne concernent quant à eux qu’un nombre très restreint de personnes, et sont attribués sur le critère du besoin de confidentialité.
Société spécialisée dans l’édition logicielle de jeux, UBISOFT adapte en permanence ces espaces de travail pour répondre aux besoins de ses projets : les équipes sont à dimension variable et doivent pouvoir évoluer avec l’avancée de la production et de la diffusion d’un jeu. Tous les espaces sont ainsi très flexibles et modulables, avec des plateaux en open space leur permettant de déménager facilement les équipes d’un plateau à l’autre. En revanche, les bureaux restent attitrés durant toute la durée du projet, car les créateurs ont besoin de leur univers, leurs outils, leur espace.
Un univers ludique et coloré
La comparaison avec le géant google est très facile, les bureaux chez UBISOFT sont ponctués de grands panneaux, permettant de guider la circulation, mais servant également d’espaces d’expression, sur lesquels les collaborateurs peuvent exposer leurs créations.
Des espaces dédiés à la détente sont également très présents, dans lesquels le jeu tient une bonne place (consoles de jeux, babyfoot, lecture de BD et de journaux). La volonté des dirigeants est de retravailler les espaces informels (cafétéria, salles de pause…) pour mieux véhiculer une ambiance « comme à la maison ». L’objectif est par ailleurs d’aller vers de plus en plus d’espaces collaboratifs pour permettre aux collaborateurs de mieux échanger et leur donner envie de mieux travailler ensemble.
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