LOST IN TRANSITIONS – Épisode 2 : Le bien-être au travail

Notre monde change à grande vitesse… parfois trop vite. Télétravail, hyperconnexion, IA générative, burn-out, quête de sens… Le monde du travail tangue, et les équilibres que l’on croyait solides vacillent.

Au Worklab, on s’est posé ces questions :
Et si les nouvelles attentes autour du bien-être au travail n’étaient pas un luxe, mais le symptôme d’un modèle à bout de souffle ?
Et si, derrière les discours sur la qualité de vie, se cachait un vrai enjeu de transformation profonde des organisations ?

LOST IN TRANSITIONS, c’est notre expédition pédagogique. Une série de rencontres avec celles et ceux qui font déjà bouger les lignes. Pour apprendre, questionner, et construire, ensemble, de nouvelles manières de travailler.

Dans ce 2ème épisode, Alison Caillé, psychologue et docteure en R&D en psychologie du travail et des organisations chez Empreinte Humaine, nous embarque dans une analyse lucide et éclairante sur le bien-être en entreprise. Elle nous aide à distinguer les vraies causes des effets, à sortir des gadgets QVT pour remettre de l’humain, du sens et de la cohérence au cœur du travail.

Quand la prise de conscience arrive… un peu tard

On aurait pu s’en douter : parler de stress, de burn-out ou de santé mentale n’est pas (encore) un réflexe naturel dans beaucoup d’organisations. Mais aujourd’hui, les chiffres ne laissent plus le choix : près d’un salarié sur deux est en détresse psychologique. Oui, 1 sur 2 !

La crise sanitaire a agi comme un révélateur brutal : isolement, perte de repères, quête de sens. Les certitudes managériales ont vacillé, les attentes ont changé. Et il est désormais impossible de faire comme si de rien n’était.

Mettre le doigt sur les vraies causes

Le bien-être, ce n’est pas une question de fontaine à eau vitaminée. C’est une mécanique bien plus subtile, qui touche à la reconnaissance, à l’organisation du travail et au lien humain.

Voici les racines du mal, identifiées par Alison :

  • La qualité empêchée : ce sentiment frustrant, parfois même douloureux, de ne pas pouvoir faire un travail dont on serait fier. Non pas par manque d’engagement, mais parce qu’on se heurte à des contraintes de temps, à des objectifs irréalistes, à un manque criant de ressources ou de moyens. Et cela génère une perte de sens, une forme d’épuisement invisible.
  • Le manque de reconnaissance : quand l’effort consenti, l’implication et la charge mentale ne trouvent aucun écho. Ni dans un merci sincère, ni dans une valorisation financière, ni même dans une simple attention managériale. Ce décalage entre ce que l’on donne et ce que l’on reçoit finit par entamer sérieusement la motivation.
  • Un management hors-sol : des pratiques encore trop souvent héritées d’un autre temps. Rigides, descendantes, parfois autoritaires… Elles peinent à répondre aux besoins actuels de dialogue, de souplesse et d’autonomie. Pire encore, elles alimentent parfois un climat de défiance ou d’absurdité managériale.
  • Un accompagnement insuffisant : trop souvent, les entreprises ne mettent en place que des actions ponctuelles ou symboliques. Les dispositifs d’écoute sont rares, les managers sont peu formés à détecter la souffrance, et l’on intervient souvent trop tard, une fois la crise installée. On soigne les symptômes, mais on laisse la cause prospérer.

Et non, ce ne sont pas des nouveautés! Mais l’époque ne nous laisse plus le choix : il faut s’y attaquer. En profondeur.

3 niveaux pour ne pas rester au niveau zéro

Bonne nouvelle : il existe des leviers. Alison nous propose une approche structurée en trois niveaux de prévention, pour passer d’un mode pompier à une vraie stratégie.

1. La prévention primaire : anticiper les risques en identifiant les facteurs de stress et en agissant à la source. Cela passe par des diagnostics réguliers, une meilleure organisation du travail et une réduction des facteurs de tension.

2. La prévention secondaire : outiller les salariés et les managers pour mieux gérer les difficultés. Formations, sensibilisation aux signaux de stress, accompagnement managérial… Autant de leviers essentiels.

3. La prévention tertiaire : intervenir rapidement et efficacement lorsqu’une situation de crise survient. Cela peut inclure des cellules d’écoute, un suivi psychologique et des actions de soutien pour les salariés en difficulté.

Un modèle qui parle vrai, et qui agit là où ça compte. Parce que le bien-être ne se règle pas à coup de smoothies détox.

Et si le vrai sujet, c’était le sens ?

On veut plus qu’un job. On veut du sens, de l’impact, une cohérence entre ce qu’on fait et ce qu’on croit. Et quand ce n’est pas le cas, ça peut donner :

  • Le brownout : la perte de motivation et de sens au travail.
  • Le silent quitting : le fait de ne faire que le strict minimum, sans engagement supplémentaire.
  • L’augmentation du turnover : les salariés sont plus enclins à démissionner s’ils ne trouvent pas de sens dans leur emploi.

Les entreprises qui réussiront demain sont celles qui donnent à leurs équipes un récit collectif, une boussole, une mission qui fait vibrer.

Trouver le bon équilibre entre autonomie et accompagnement

On parle beaucoup de responsabilisation, d’empowerment, comme solution miracle aux enjeux du travail moderne. Et il est vrai que l’idée séduit : permettre à chacun de prendre des décisions, s’organiser librement, piloter ses missions avec plus d’autonomie. Un modèle qui repose sur la confiance, la délégation, et un nouveau rapport au pouvoir.

Mais attention, rappelle Alison : l’autonomie ne se décrète pas, elle se construit. Car livrer les salariés à eux-mêmes, sans soutien ni préparation, c’est courir le risque de générer encore plus de pression. Une autonomie imposée sans accompagnement peut vite se transformer en solitude décisionnelle, en stress, voire en sentiment d’abandon.

Pour que cette dynamique fonctionne, certains ingrédients sont incontournables :

  • Une définition claire des rôles et responsabilités : chacun doit savoir ce qui est attendu, jusqu’où il peut aller, ce qu’il peut décider seul ou en équipe. L’autonomie n’exclut pas la structure, bien au contraire.
  • Un accompagnement adapté : formations, coaching, mentorat… ces dispositifs permettent aux collaborateurs de monter en compétence, de prendre confiance, et de mieux appréhender les zones d’incertitude inhérentes à leur rôle.
  • Une reconnaissance active des efforts et des initiatives : car prendre des décisions, c’est aussi prendre des risques. Et cela mérite d’être valorisé, encouragé, célébré même.

En somme, l’autonomie ne peut pas être un prétexte pour désengager les managers. Elle appelle au contraire un management plus humain, plus présent, plus à l’écoute. Un management qui guide sans contraindre, qui soutient sans contrôler.

Conclusion : passer du constat à l’action

Le bien-être au travail, ce n’est pas un supplément d’âme. C’est un enjeu stratégique majeur, un levier de performance, d’attractivité et de fidélisation. Dans un monde professionnel en mutation rapide, il devient même un marqueur de résilience organisationnelle.

Mais attention, prévient Alison : il ne s’agit plus d’ajouter quelques “bons moments” au calendrier RH. Ce qu’elle défend, c’est une approche structurelle et systémique, capable de remettre en question les fondements mêmes de notre manière de travailler. Il est temps de sortir des dispositifs de surface et d’engager une transformation en profondeur.

Cela suppose de faire évoluer les postures, les process, les manières de manager. De faire dialoguer les métiers, d’écouter les signaux faibles, de valoriser les initiatives locales. Et surtout, de reconnaître que cette transformation est l’affaire de tous les acteurs de l’organisation : dirigeants, managers, collaborateurs.

Car la question n’est plus de savoir si ces transformations sont nécessaires. La vraie question, c’est : comment allons-nous les rendre possibles, concrètes, durables ?

Alors, on commence quand ?


Envie d’aller plus loin ? Découvrez l’interview complète d’Alison Caillé et et plongez dans sa lecture lucide et engagée des transformations nécessaires pour remettre le bien-être au cœur du travail.

Et si votre entreprise était déjà prête à faire du bien-être un véritable levier de performance ?
Contactez-nous pour évaluer ensemble votre maturité sur ces enjeux… et dessiner, avec votre collectif, les prochaines étapes.