Patrice Bernard du blog « c’est pas mon idée » : C’est quoi un hackathon ?
Patrice nous parle des hackathons, mais au fait c’est quoi un hackathon ?
On n’en finit pas de rencontrer des gens passionnants grâce au blog, et une nouvelle fois c’est le cas avec Patrice Bernard, rencontré dernièrement lors d’un hackathon. Si vous ne connaissez pas son blog : c’est pas mon idée, je vous invite fortement à y aller, Patrice est un expert en innovation et vous y lirez du contenu de qualité sur tout ce qui touche à l’innovation dans le monde bancaire, passionnant assurément !
Invité régulièrement dans les hackathons parisiens, Patrice nous donne son éclairage sur ces événements qui se démocratisent de plus en plus en France et dans lesquels on retrouve énormément de sujets dont nous traitons sur le blog : l’utilisation du potentiel collectif, les techniques de créativité, l’organisation agile d’équipe notamment.
Encore un grand merci à Patrice, et place à l’interview !
LIFE IS A SERIOUS GAME : Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Patrice : Ingénieur de formation et plongé dans l’informatique depuis plus de 30 ans, j’ai toujours eu la conviction que la technologie n’est qu’un moyen et qu’elle n’a de valeur que si elle répond à un besoin. La même idée guide encore aujourd’hui mes activités de conseil – au sein de Conix (http://www.conix.fr) – autour de l’innovation et de la transformation numérique des entreprises.
LIFE IS A SERIOUS GAME : C’est quoi un hackathon ?
Patrice : Éthymologiquement, le terme hackathon est la contraction de « hack » – au sens noble des bricoleurs informatiques de génie – et de marathon. Dans son modèle le plus courant, le hackathon est donc une compétition de courte durée (souvent 48 heures, le temps d’un week-end), mais extrêmement intense, au cours de laquelle des hackers de tout poil vont tenter de concrétiser une idée et la transformer en une application opérationnelle, dont ils feront une démonstration à la fin de la manifestation.
A partir de ce modèle, les variations sont innombrables. Tout d’abord, les populations visées peuvent être diversifiées : fréquemment, des talents de graphistes, de concepteur d’expérience utilisateur, voire de psychologie ou de sociologie, peuvent rejoindre les développeurs de logiciels et apporter leur pierre à la réalisation finale. La notion de compétition est elle-même variable, depuis une valeur symbolique (le seul plaisir d’être désigné lauréat) jusqu’aux récompenses les plus extravagantes (1 million de dollars lors des événements de Salesforce).
LIFE IS A SERIOUS GAME : Qui fait des hackathons, et pour quoi ?
Patrice : Les hackathons sont nés au siècle dernier (dans les années 90) mais on peut dire que ce sont les « géants du web » (Facebook, Google et consorts) qui ont véritablement popularisé le concept, au cours des années 2000. Ces premiers adeptes, qui ont rapidement compris comment ces compétitions pouvaient les aider à concevoir rapidement les nouveaux produits et services en ligne qui sont leur cœur de métier, ont depuis été rejoints par toutes sortes d’entreprises, opérateurs de télécommunication (Orange), compagnies de transport (SNCF et RATP), banques (Banque Populaire, Société Générale), assureurs (Axa)… Ces acteurs sont de plus en plus dépendants du numérique dans leurs activités, aussi empruntent-ils aux spécialistes leurs techniques d’innovation.
Les motivations qui poussent ces grands groupes à organiser des hackathons sont diverses. A l’origine, par exemple chez Facebook, les principaux objectifs étaient d’enrichir la plate-forme de réseau social (c’est ainsi qu’a été imaginé et développé le bouton « like ») ou de sélectionner les futures recrues, à travers une mise en situation concrète. Ces cibles restent les plus prisées aujourd’hui mais les entreprises sont de plus en plus nombreuses à utiliser cette technique – avec des événements généralement réservés à leurs collaborateurs – pour stimuler la créativité en leur sein et instaurer les prémices d’une évolution de leur culture vers la promotion de l’innovation.
LIFE IS A SERIOUS GAME : Tu interviens assez régulièrement dans les hackathons, quel est ton rôle ? Pourquoi te sollicite-t-on ?
Patrice : Il est vrai que je suis fréquemment sollicité, soit lors de la préparation, soit au cours du déroulement des hackathons, en particulier dans le secteur financier. Grâce à mon observation des innombrables manifestations du genre (y compris à distance, à travers les échos qu’ils ont sur le web), je suis en mesure d’apporter des conseils pratiques aux organisateurs, qui leur permettent (j’espère) d’éviter de commettre des erreurs courantes et de mettre toutes les chances de leur côté afin de faire de leur événement un succès, atteignant ses objectifs. Il faut en effet être conscient qu’un hackathon est un projet relativement complexe, qui requiert de multiples compétences et expertises. Je suis également susceptible de participer à l’animation des compétitions, en proposant des interventions de stimulation, par exemple.
LIFE IS A SERIOUS GAME : Peux-tu nous donner ton feedback par rapport aux hackathons que tu as pu suivre ?
Patrice : J’ai coutume de dire que tous les hackathons sont un succès. Dans la majorité des cas, la réussite est manifeste, car alignée avec les objectifs qui avaient été fixés initialement. Je suis même souvent étonné par les résultats obtenus, qu’il s’agisse de la qualité des applications réalisées ou de la transformation visible des comportements et des attitudes des participants. Certes, il arrive que tout ne se déroule pas comme prévu mais, alors, il reste toujours des enseignements à tirer de ces (demi-)échecs : ils mettent en lumière des déficiences qui sont ainsi bien identifiées et peuvent être attaquées de front. En réalité, dans tous les cas, le plus important est de ne pas considérer le hackathon comme une fin en soi. Le plus important est toujours ce qui se passe après la fin de l’événement !
LIFE IS A SERIOUS GAME : Pipo ou bingo ? Que deviennent généralement les idées qui émergent des hackathons ?
Patrice : L’issue du hackathon ne se contente jamais d’une « idée » (il ne s’agirait que de concours d’idées, dans le cas contraire). Le résultat ne peut être qu’une réalisation concrète et ce principe est essentiel. D’abord parce que les participants auront produit quelque chose, qu’ils pourront donc, généralement, continuer à porter et transformer en solution finie, prête à commercialiser. Naturellement, l’organisateur devrait aussi toujours avoir une responsabilité dans les suites à donner aux idées générées. Il s’agira par exemple d’accompagner les lauréats dans la finalisation de leur projet (la mise en place d’un incubateur pour ce faire commence à devenir une pratique courante). Cependant, il ne faut pas perdre de vue que les idées produites ne constituent pas toujours l’objectif principal du hackathon…
LIFE IS A SERIOUS GAME : Les hackathons viennent d’abord du monde informatique, est-ce que d’autres secteurs d’activités se sont investis de ce format d’événement ? As-tu des exemples ?
Patrice : En effet, bien que le concept initial soit centré sur le développement d’applications, il est de plus en plus souvent décliné sur des modèles différents. On peut citer, notamment, les hackathons « hardware », qui vont se focaliser sur la fabrication d’objets. Dans une registre différent, une approche que j’aime beaucoup, car elle fait beaucoup de sens, et que j’ai pu expérimenter avec une filiale de BNP Paribas (Securities Services), baptisée « business hackathon » par son concepteur, fixe comme objectif de créer un nouveau « business model » en (moins de) 48 heures.
LIFE IS A SERIOUS GAME : quel est l’avenir du mouvement hackathon dans les entreprises en France, selon toi ?
Patrice : On observe un effet de mode indiscutable autour des hackathons, actuellement. Ce qui ne finit pas de me surprendre est que, même si c’est une mode, les résultats des initiatives engagées sont réels. Ce constat m’incite à penser que cette technique a un véritable potentiel, même s’il ne faut pas surestimer ses effets. A mon sens, la valeur la plus importante qu’il faut rechercher dans l’organisation d’un hackathon est – avant toute opportunité d’innovation – sa capacité à faire évoluer la culture d’entreprise, ce qui reste le défi majeur des grands groupes face à la révolution numérique. Mais, en particulier quand je vois les dernières idées de Crédit Agricole S.A. (ou Ulster Bank en Irlande) en la matière, je soupçonne que nous n’avons pas encore fait le tour du sujet…