Intelligence collective : Des ateliers animés en mode hybride | Retour d’expérience#2 – ADAPEI44

Dans un contexte sanitaire mouvant mais aussi très contraignant, exercer son métier de facilitateur prend un tout autre sens !

S’il y a bien un duo qui est devenu célèbre dans le milieu, c’est celui de l’outil de visio + tableau blanc ! Que ce soit Teams, Zoom, Meet, ou Jitsi, mais aussi Klaxoon, Mural ou Miro … autant d’outils qu’il devient nécessaire de connaitre sur le bout des doigts avant de pouvoir faciliter sereinement un collectif.

Et pourtant, il existe encore des formats où le présentiel peut s’envisager, où le télétravail est impossible et où facilitateurs comme participants peuvent coexister dans une seule et même salle.
Enfin plutôt dans plusieurs salles.

C’est justement l’histoire que je vais vous raconter maintenant : celle d’un atelier bien particulier que nous avons reproduit une dizaine de fois sur l’été 2020.

LE CONTEXTE

L’ADAPEI44 nous a sollicité pour concevoir et animer une démarche visant à créer un moment fort qui marque les esprits et permettre à chaque travailleur.euse de s’approprier le projet d’entreprise élaboré un an plus tôt. Ce projet, appelé Projet Esatco* 2020-2024 se décline en une série de chantiers tournés autour de valeurs fondamentales comme l’inclusion, le travail adapté, la professionnalisation ou encore la reconnaissance. Dans le cadre de celui-ci, les 11 ESAT concernés (établissement et service d’aide par le travail) ont donc déployé des actions concrètes locales, adaptées à leurs activités.

Un an plus tard, nous avons la mission de permettre à chacun.e de prendre du recul sur son quotidien et dresser un premier bilan des actions menées.

De par le profil des participant.es (en situation de handicap mental), il était impossible de se contenter d’un atelier à distance. Nous avons donc opté pour un format hybride offrant la possibilité de produire des éléments concrets tout en respectant les règles sanitaires en vigueur.

Après un premier temps de cadrage, les objectifs suivants ont été identifiés :

  • Rappeler ce qu’est le projet Esatco
  • Identifier les actions locales menées depuis son lancement
  • Conserver une trace concrète de ce temps fort
  • Faire contribuer le plus grand nombre de travailleur.euses

C’est ainsi que nous en sommes arrivés au format hybride d’une demi-journée d’ateliers animés en parallèle dans un même établissement. Dans chaque ESAT, nous avons donc créé des groupes de 6 à 12 participant.es que nous avons répartis dans des salles dédiées avec, pour chaque groupe, un.e référent.e facilitation (interne Worklab ou ADAPEI). De cette façon, avec parfois 9 groupes différents à animer en une journée, nous avons été en mesure de couvrir une dizaine d’établissements pour un total de plus de 1000 personnes en 1 mois.

Mais pourquoi hybride me direz-vous ?

Et bien tout simplement parce qu’animer 4 à 5 ateliers identiques en parallèle nécessite une logistique bien particulière !

LA LOGISTIQUE : SE VOIR POUR MIEUX FONCTIONNER

Une des solutions les plus efficaces d’après-nous pour une synchronisation réussie, c’est de passer par le visuel ! Nous avions donc prévu pour chaque salle un vidéoprojecteur accompagné d’un PC/MAC pour diffuser, en direct, une visio-conférence avec les différents groupes travaillant en parallèle.

De cette façon, nous conservions le sentiment de travail collectif à l’échelle de tout l’établissement malgré les contraintes sanitaires, et la communication entre les facilitateur.rices en était largement simplifiée. Une bonne gestion des microphones coupés/allumés selon les prises de parole et le tour est joué !
Si le format distanciel par visio était intéressant pour la dynamique collective et la communication, il permettait aussi de proposer des temps de conclusion fédérateurs, où chaque équipe pouvait présenter sa production au reste de l’établissement !

Ayant pour ambition de dupliquer les ateliers sur 11 établissements, une vidéo d’introduction a aussi été prévue pour garantir un discours commun et limiter les risques liés à une connexion possiblement instable.

Enfin, un quizz interactif a été mis en place sous forme de challenge entre les différentes salles pour se réapproprier les notions importantes tout en créant de l’interaction entre les salles.

Ce que j’en retiens :

Ce qu’il faut retenir de ces éléments logistiques d’après-moi, c’est avant tout d’accepter que tout ne se passera pas parfaitement comme prévu. Entre le nombre de salles, de participants, les problèmes de connexion et les habituels bugs imprévisibles, il est presque impossible que l’atelier se déroule exactement comme il aurait dû.

En tant que facilitateur, je considère donc que mon rôle ici est de limiter au maximum les risques tout en prévoyant un plan B pour chaque séquence.

La connexion semble moins bien fonctionner pour une salle ? Alors prévoyons tous les outils utiles en local (déroulé détaillé, vidéo d’introduction, quizz sur PPT …).

Un groupe prend du retard sur une séquence ? Alors prévoyons des temps « tampon » sur lesquels rogner si nécessaire.

LA FACILITATION : UNE HISTOIRE D’ÉNERGIE ET DE LÂCHER PRISE

Mais au-delà de l’aspect logistique, ce qui a rendu la démarche si incroyable ce sont avant tout les participant.es. À titre personnel, je n’avais jamais facilité d’atelier pour un public composé de travailleur.euses en situation de handicap mental.

Si, bien entendu, les ambitions de production ont été adaptées lors de la phase de préparation, la facilitation, elle, devait l’être tout autant. Du moins c’est ce que je pensais.

Sans trop savoir comment les ateliers allaient se passer, je m’étais mis en tête que la facilitation serait un challenge bien particulier : serais-je bien écouté ? Compris ? Vais-je avoir le bon niveau d’information ? Saurais-je m’adapter ?

Pour mettre en confiance les participant.es, chaque équipe était accompagnée d’un.e éducateur.rice spécialisé.e. Connaissant très bien le groupe, leur rôle était donc de nourrir les échanges et d’accompagner le groupe dans ses moments de doute. Et je dois dire que le binôme « facilitation / accompagnement » a si bien fonctionné que je n’ai presque pas ressenti le besoin d’adapter mon discours ou mes pratiques de facilitation.

Être à l’écoute du groupe, répartir la parole pour que chacun.e s’exprime, questionner, reformuler … rien de tout cela n’était différent.

Le seul élément de posture qu’il a été nécessaire de mobiliser plus régulièrement que d’habitude, c’est la règle de ne rien prendre pour soi. Les conventions sociales actuelles posent très souvent un filtre sur les échanges ; il n’est pas évident d’exprimer tout haut son désaccord, d’avouer être perdu, ne pas comprendre, de partager le fait que l’exercice est trop complexe ou exigeant. Et bien dans le cadre de ces ateliers, toute forme de filtre avait entièrement disparu au profil d’une transparence spontanée la plus totale. J’ai beau chercher à prendre du recul sur ma posture du moment, c’est bel et bien la seule réelle différence qui s’est présentée à moi.

Et vous savez quoi ?

J’aimerais que chaque atelier se déroule de cette manière ! Ne pas avoir à décrypter ce que pensent ou ressentent les participant.es les moins expressifs, pouvoir en une fraction de seconde identifier si l’exercice est bien compris et accepté … n’est-ce pas le rêve en facilitation ?

Ce que je retiens :

Si je tente de dresser un bilan sur le déroulé des ateliers et leur facilitation, je retiens plusieurs petites choses.

La première, c’est que l’activité de construire une affiche visuelle fonctionne avec absolument tout type de public ! Rien de mieux pour s’approprier une notion que d’avoir à la représenter visuellement, de structurer sa réflexion sur un support tangible et de, collectivement, choisir les éléments de langage à y faire figurer.

Ensuite, je retiens que la facilitation, c’est avant tout une histoire de lâcher prise. Participants comme facilitateur, c’est accepter l’univers de l’autre, entendre ce qui est partagé et chercher à le faire résonner dans son propre cadre de référence. Les outils peuvent être mal calibrés, la technique peut nous lâcher, mais une fois sur place et dans l’atelier, tentons d’agir sur ce que nous pouvons influencer : les échanges et les états d’esprit.

Le reste n’est qu’huile pour rendre le tout plus efficace, ne nous laissons pas déstabiliser au moindre accro !

Notes 

*L’ADAPEI Loire-Atlantique est une association de parents et d’amis qui milite pour l’accompagnement adapté des personnes qui présentent un handicap intellectuel, de l’autisme, un polyhandicap ou un handicap psychique.

*ESATCO est un acteur de l’économie sociale et solidaire depuis plus de 60 ans. Plus de 1500 professionnels, personnes en situation de handicap et salariés, s’expriment au quotidien dans 7 filières sur 11 sites en Loire Atlantique.